Depuis leurs débuts, Héla Fattoumi et Éric Lamoureux tracent un chemin singulier, affirmant une œuvre écrite à deux. Leur première création Husaïs, couronnée du Grand Prix SACD de la 1ère œuvre au Concours international de Bagnolet en 1990, suivie du trio Après-midi – Prix Nouveaux Talents Danse de la SACD en 1991, les propulsent et leur apportent une reconnaissance internationale. Dans la foulée, ils signent plusieurs pièces qui prennent leur source à la lecture d’écrivains et de poètes comme Nathalie Sarraute, Clarisse Lispector, Antonio Ramos Rosa, Roberto Juarroz… donnant lieu à des titres évocateurs tels que Si loin que l’on aille, Miroirs aux alouettes, Solstice, Asile Poétique…
À partir de Wasla, ce qui relie… (1998), ils s’intéressent à des problématiques liées aux mondes des Suds. En effet, Wasla est la confrontation de Héla Fattoumi avec sa culture arabo-musulmane, comme un retour au pays natal par la danse. Suivront La Madâ’a (2004) avec le trio Joubran, virtuoses palestiniens du oud et La danse de Pièze (2006), duo masculin s’inspirant du poète syrien Adonis sur la notion d’« homosensualité ». Puis un triptyque avec MANTA (2009), solo de Héla Fattoumi abordant la problématique que soulève le port du niqab, le voile intégral musulman ; Lost in burqa (2011), défilé-performance qui plonge 8 interprètes masculins et féminins dans les « vêtements sculptures » de la plasticienne marocaine Majida Khattari, Masculines (2013) sur les représentations orientalistes du Bain turc d’Ingres de part et d’autre de la Méditerranée. S’en suivent une série de créations (Waves, Sympathetic Magic et Oscyl notamment), qui voyagent largement en France et à l’international.
La quête d’altérité, le besoin d’interroger les contours et les limites de l’identité et toutes les formes d’assignations les portent vers des auteurs tels qu’Édouard Glissant – avec Just to dance (2010), rencontre improbable entre 9 danseurs de Brazzaville, de Kyoto et de France et le musicien franco-algérien Camel Zekri. Le « changer en échangeant » s’incarne pleinement dans AKZAK, l’impatience d’une jeunesse reliée (2020) qui rassemble 12 interprètes issus de 3 pays arabes et d’Afrique subsaharienne en dialogue avec les combinaisons rythmiques de Xavier Desandre Navarre.
À l’occasion des 30 ans de la compagnie, différents projets rétrospectifs et de transmission permettent de re-découvrir le répertoire et de le faire vivre à travers une nouvelle génération de danseurs. En 2022, ZAK Rythmik (recréation d’AKZAK) poursuit l’élan de la grande forme en réunissant 5 interprètes de la distribution initiale. L’ouvrage La Part des femmes (Anne Pellus) donne lieu à une création scénique, ainsi qu’à une exposition photographique et numérique sur Numéridanse. Avec TOUT-MOUN (2023), ils plongent plus intimement encore dans la poétique et les paysages mentaux d’Édouard Glissant, en dialogue avec le saxophoniste Raphaël Imbert. Avec GOAL – Fantaisie pour passement de jambes (2024), pièce inspirée de l’univers du football, ils renouent avec leur formation universitaire initiale (en STAPS), qui marque les premiers moments de leur parcours à deux.
Depuis le duo de leur rencontre, Husaïs, Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, devenus ensemble chorégraphes, s’attachent à interroger la relation. « Nous tentons de faire partager les obsessions qui nous habitent depuis le début de notre travail : qu’est-ce qui se joue entre les êtres ? Quelle présence à l’autre ? »
« Notre danse ne recourt pas au concept. Elle s’ancre dans l’observation du corps dansant. À l’affût de celui-ci, nous traquons les images où il s’incarne. Les instants où il laisse échapper au dehors les indices parfois très ténus qui contiennent une charge émotive, un pouvoir de correspondance, d’association, de transposition, de relation, de création de sens. (…) Nous nous donnons ainsi la chance de faire naître un langage original émanant du corps et qui plonge la danse dans certaines zones intérieures qui affleurent l’inconscient. En ce lieu mystérieux, nous aimons parler de la notion d’expérience sensible de la réalité.»